Ce jeudi 16 mai, la direction de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) présentait son dernier rapport annuel (1) , sous sa forme actuelle, à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Le prochain sera en effet soumis par la future Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection, issue de la fusion entre l'ASN et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) adoptée par le Parlement, le 9 avril dernier. Comme à son habitude, Bernard Doroszczuk, le président de l'ASN, a souligné que, malgré avoir constaté un « niveau de sûreté satisfaisant pour l'ensemble du parc de réacteurs existants » durant l'année 2023 jusqu'au début de l'année 2024, la prudence restait de mise – notamment, en écho au phénomène de la corrosion sous contrainte.
La corrosion sous contrainte toujours dans le viseur
En 2023, l'ASN a recensé 88 événements de niveau 1 ou 2 sur l'échelle internationale (Ines), et 1010 de niveau zéro, en ce qui concerne les installations nucléaires de base. À cela se sont ajoutés 86 événements similaires, s'agissant du transport de substances radioactives, et 201 autres dans les girons médical et industriel. Le premier chiffre reste « en baisse régulière depuis cinq ans » : en 2019, 115 incidents de ce type avaient été déclarés. Deux « incidents » à proprement parler (événement de niveau 2 au sens de l'Ines) ont tout de même été signalés.
Malgré les arrêts temporaires, les contrôles et les réparations réalisées depuis par EDF avec le feu vert de l'ASN, cette dernière conserve un « degré d'incertitude » sur les causes de ce problème. Pour le moment, « nous nous en tenons à un faisceau de causes, a confié Bernard Doroszcsuk. Certaines ont déjà été identifiées et avérées, comme le défaut de géométrie des lignes des réacteurs de série plus récente. Mais d'autres peuvent également jouer sur la corrosion sous contrainte et n'ont pas été encore écartées : les soudures de réparation ou la chimie de l'eau, dont une investigation est en cours chez EDF. Quoi qu'il en soit, un contrôle dédié pour ces lignes soudées non sensibles est désormais mis en place systématiquement dans chaque plan de contrôle en maintenance. De plus, nous avons demandé à EDF d'intégrer les risques de corrosion sous contrainte dans tout projet neuf. »
Radioprotection : des signaux faibles préoccupants
Un climat stable mais nuancé
En 2023, l'ASN a réalisé près de 1 800 inspections sur site, dont une cinquantaine de manière « inopinée » qui se multiplieront « dans les années à venir avec les nouveaux projets en développement », a déclaré son directeur général, Olivier Gupta. Une manière pour l'Autorité de lutter, notamment, contre la fraude, les contrefaçons et les falsifications. En 2023, 46 signalements ont été remontés en la matière. Le président de l'ASN, Bernard Doroszczuk, prend pour cause le « climat de relation partenarial ». À la fois, du point de vue des prestataires dont la situation économique a pu pâtir du manque de commandes durant les années 2010 ; et à la fois, du côté d'EDF face à une « obligation ressentie du respect du planning », optant pour justifier des écarts d'agenda ou de conformité a posteriori.
En cela, Géraldine Pina Jomir, l'une des cinq commissaires du collège de l'ASN, a déploré, malgré un « niveau de radioprotection stable et satisfaisant depuis plusieurs années », la persistance de « fragilités connues » et l'apparition de « nouveaux signaux faibles parfois un peu inquiétants ». Pour y répondre, l'ASN a engagé en 2023, d'une part, « une démarche de coercition pour combler les écarts entre l'engagement des professionnels à mettre en conformité leurs locaux, leurs blocs opérateurs et leur formation, et les manques constatés en pratique » et, d'autre part, une réévaluation « dans l'analyse des risques de dilution des responsabilités et de moindre appropriation des enjeux de radioprotection entraînés par le manque de moyens et de personnel ».